Le reverse factoring se développe lentement

Presse AGEFI

Cette technique de financement des fournisseurs se trouve encouragée par le souci de soutenir les filières industrielles.

Dernière tendance dans l’assouplissement de l’affacturage, le reverse factoring reste encore discret. Il reste l’apanage des grands groupes, tels L’Oréal, Airbus, les grands noms de la grande distribution… Ce financement des fournisseurs à partir des factures avalisées par leurs donneurs d’ordre représente, selon les estimations des professionnels, environ 30% du marché de l’affacturage. Principale vertu de l’affacturage inversé, il a vocation à financer les petites entreprises. « Il bénéficie à certains fournisseurs de rang 1 et par extension, potentiellement, de rang 2. Le produit soutient ainsi une partie de l’économie » indique Arthur Wastyn, Associé, en charge des activités d’optimisation des cash-flows chez PwC France et Maghreb.

Lourdeurs et frein comptable

En pratique, il est freiné par la lourdeur d’un mécanisme qui implique trois acteurs, le donneur d’ordre, le fournisseur et la banque.

« L’ affacturage inversé est un produit complexe, même si le schéma de financement est simple en apparence, s’agissant de financer le fournisseur dans l’ attente du paiement de ses factures. Or c’est le client qui initie le programme, explique Arthur Wastyn, La lecture des contrats de reverse factoring est parfois ardue notamment quant à la subrogation et au partage des coûts du programme entre le fournisseur et le client ».

La mise en œuvre est réputée chronophage, s’agissant de connecter un système d’information à une entreprise et d’embarquer les fournisseurs un à un, ce qui implique un effort de leur part. En outre, il faut des fournisseurs solides, avec des produits et services de qualité, afin que la facture soit approuvée. Et surtout, il faut les convaincre de rejoindre le programme. « La difficulté, dans le reverse factoring, est d’embarquer les fournisseurs en masse et rapidement, afin que la rentabilité du programme soit au rendez-vous », indique Hervé Varillon, directeur général de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Les offres « Supply Chain », plus splimples, proposées par les banques, sont généralement préférées par les grands distributeurs, au regard de  la taille des volumes traités.

Le frein est également comptable : sous certaines conditions, le reverse factoring permet de maintenir en passifs d’exploitation une partie des dettes fournisseurs, alors même qu’une institution financière les refinance. Néanmoins, cela pose la question du traitement comptable lorsque les extensions de remboursement du client à la banque atteignent des délais inhabituels, au-delà de 60 jours.

«Les interrogations de certaines entreprises sur leur faculté à maintenir en passif d’exploitation la dette refinancée par reverse factoring ont pu brider le développement de cette technique », indique Arthur Wastyn. Depuis longtemps, le régulateur attire l’attention sur le traitement comptable du financement accordé dans le cadre des programmes de reverse factoring. « En pratique, la vérification est complexe et une certaine hétérogénéité de traitement est parfois constatée », constate le spécialiste. Les contrôles sont toutefois croissants. « Depuis plusieurs années les contrôles opérés par la DGCCRF ont connu une croissance importante concernant le respect de la loi LME sur les délais de paiement, souligne Arthur Wastyn. Et depuis mai 2023, de nombreuses informations complémentaires tant qualitatives que quantitatives relatives au programme doivent être communiquées en annexe aux états financiers, suite à la publication par L’IASB en mai 2023 d’un amendement des normes IAS 7 et IFRS 7 ».

Une vocation ESG

Malgré ces freins, l’enjeu puissant de la démarche pourrait faire bouger les acteurs économiques. La solution permet de répondre aux préoccupations ESG de certains donneurs d’ordre. «On rencontre plus de cas où ces opérations sont mises en place par des donneurs d’ordre voulant améliorer leur profil ESG», observe Paul Guerrier, associé BDO Advisory. « Ils acceptent alors de renoncer à tirer un profit financier du montage, en visant la pérennité des relations avec les fournisseurs et leur traitement avec équité ».

En outre, dans le cadre de la réindustrialisation, la technique est mise en lumière, à commencer par Bpifrance qui a conçu un reverse factoring dès la commande (voir l’entretien de Cédric Gelly). « On voit des grands groupes mettre en place une approche par filière, pour solidifier toute leur chaîne de valeur, ces grands donneurs d’ordre étudiant avec nous l’accès au financement de leurs sous-traitants, notamment dans des processus très longs de fabrication, comme pour les avions, les missiles, les fusées, les sous-marins… où ils peuvent atteindre 10 à 15 ans », précise Ludovic Sarda, dirigeant fondateur de Pytheas Capital et de la plateforme TRESO2, retenue par Bpifrance pour son paiement fournisseur anticipé (PFA).

Des ETI embarquées

Grâce à cet outil facilitant les structurations, la portée de la solution s’étend au-delà des très grands groupes. « Pytheas a lancé trois dossiers faisant converger la dématérialisation de factures sur TRESO2 avec une extension de délais de paiement, dans le cadre de partenariats avec Bpifrance et d’autres banques », annonce Ludovic Sarda. «Dans les trois cas, les donneurs d’ordre étaient de grosses ETI».

Enfin, avec la réduction des délais de paiement qu’apportera la facturation électronique, le reverse factoring espère bien progresser auprès des donneurs d’ordre…

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